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Shugyo
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23 mai 2008

VI- LES FRAPPES

Les gardes sont le fondement de l’escrime, la première chose que l’on apprend, avec les exercices permettant d’apprendre à passer de l’une à l’autre, et les exercices faisant travailler les pas. Cela dit, ce qui suit immédiatement est l’apprentissage de l’objectif même de l’escrime : les coups. Quoiqu’on se raconte, et quels que soient les objectifs qui poussent quelqu’un à apprendre l’escrime, le but technique de toute escrime un tant soit peu réaliste est de permettre, par un entraînement rigoureux du corps et de l’esprit, de tuer, incapaciter, ou immobiliser un adversaire le plus rapidement possible, avec le moins d’efforts possibles, et la prise de risque la plus faible possible. Ceci fait de l’escrime un art extrêmement offensif. On voit pas mal de controverses au sujet du Kendo et de sa nature, pour certains, suicidaire. En effet l’escrime japonaise est toute entière basée sur l’attaque. Mais pour qui la pratique, il devient vite évident que :

-                      La meilleure défense est de prendre l’initiative et de la garder, de sorte que son adversaire subisse le combat au lieu de le mener. C’est le fameux concept de défense dans l’attaque.

-                      Quelque soit son talent, partir avec l’idée de se défendre dans un combat est s’assurer une défaite rapide. Si une défense n’aboutit pas dans le même geste ou juste celui qui suit à une attaque fructueuse, elle ne fait que délayer l’issue inéluctable du combat.

-                      Par nature, un combat d’escrime est très court. Un combat qui se prolonge au-delà de trois attaques de la part des deux combattants est une rareté qui signe en général le manque d’esprit offensif de l’un des deux, voire des deux combattants.

-                      Le combat idéal, c’est attaquer le premier un adversaire surpris, et de porter une attaque unique et définitive, qui ne laisse pas la moindre chance à son adversaire. On est très loin d’un quelconque idéal romantique ou des frissons prolongés d’un film d’action Hollywoodien…

Bien que certains pensent l’escrime médiévale occidentale comme plus défensive, l’école germanique est elle aussi dans la même philosophie que le Kendo. Pour s’en convaincre, il suffit de lire quelques citations du maître fondateur, Hanko Döbringer, dont celle-ci, traduite en anglais :

« This is longsword! Strike first. It probably won't hit, but it makes the other fellow react. When he chap defends, bounce off his defence into another strike. If that doesn't work, do it again. And again. Keep the initiative while he flails. Sooner or later you will look on his bleeding corpse.

Short version: Strike first. Strike continuously. Strike last. »

C’est une autre illustration du concept de défense dans l’attaque. Pour un élève de cette école, il est donc plus utile d’apprendre à attaquer qu’à parer/esquiver, et cette culture de l’attaque doit prendre racine jusqu’à devenir une seconde nature. Il est indispensable que ceci soit clair dans l’esprit de l’apprenti quand il abordera parades et esquives, pour que cet apprentissage se fasse toujours dans un esprit offensif, c'est-à-dire avec l’idée d’attaquer en tête sitôt la parade ou l’esquive réalisée, ou encore mieux, en même temps : la longueur et la versatilité de l’épée longue permet en effet de faire d’une pierre deux coups… pour peu de connaître les techniques et d’avoir le bon état d’esprit.

a.       Estoc

L’estoc est la plus évidente des attaques, la plus directe, la plus rapide et la plus facile, et également la plus efficace et la plus utile. La pointe d’une épée bâtarde est souvent assez rigide pour permettre de percer même des plaques d’armure sur des points bien précis. L’estoc permet de viser les défauts de l’armure plus facilement que la taille. Une épée européenne, plus centrée arrière qu’un sabre, permet de mieux viser ses estocs, même avec une seule main. Le poids de l’arme accentue l’efficience du coup. Cela dit :

L’estoc est plus efficace sur les armes du XIVe siècle et surtout au-delà, au fur et à mesure que leur capacité de taille décroît et que l’estoc est de plus en plus utilisé avec l’augmentation de l’efficacité des armures (armures de plates complètes). Avec des épées plus anciennes (du Xe au XIIe siècle) les lames sont prévues pour la taille, et sont trop flexibles pour un estoc efficace.

L’estoc avec une arme à deux mains, assez lourde, peut ouvrir la garde après son exécution, plus qu’un coup de taille qui justement s’enchaîne bien sur un estoc. L’épée tenue à bout de bras avec une force réduite peut être déviée facilement, et ainsi permettre à l’adversaire de répliquer sans trop s’exposer.

L’estoc, à moins d’une frappe chirurgicale sur une zone abritant un organe vitale dont la destruction entraîne une mort immédiate, crée des blessures profondes très difficilement soignables, mais qui engendrent une mort assez lente. Un adversaire plein d’énergie peut donc frapper une fois touché. A court terme, la taille crée des blessures béantes entraînant soit la mort soit une amputation qui met définitivement et immédiatement l’adversaire hors de combat, par arrêt cardiaque sur perte de sang énorme, ou par privation d’une fonction utile à l’escrime.

L’histoire de l’escrime alterne l’importance de l’estoc et de la taille, en fonction des qualités mécaniques des armes et des armures, mais aussi des chevaux. Ainsi les romains utilisent l’estoc à pied, qui permet de rester au maximum à l’abri du bouclier. L’amélioration des armures rend le bouclier plus léger et plus petit, et la flexibilité des armes devient trop grande pour percer les cottes de mailles. De plus l’estoc est impropre à l’escrime à cheval contre des troupes à pied. L’escrime de taille se développe donc, avec un pinacle vers le Xe siècle où les épées n’ont même pas de pointe acérée, mais plutôt arrondie.

L’amélioration des armures rend les épées impropres à l’usage en taille contre les guerriers bien protégés par des plates. Cela dit c’est un style encore très utile contre les autres. Au XIVe XVe siècle les épées sont faites pour être utilisées des deux manières. Mais bien souvent des armes spécifiques la remplacent avantageusement : lances et piques contre les cavaliers en armure de plate et les chevaux, haches et masses d’armes contre ces mêmes armures à pied.

Par la suite la guerre changeant de forme, et l’apparition des mousquets rendant quasi obsolète le combat à l’arme blanche à pied, sur champ de bataille, l’épée se fait arme de duel sans armure. L’usage de la pointe, comme du temps des romains, reprend de l’ampleur. L’épée se fait rapière puis courte épée de cour, et perd même ses tranchants devenus inutiles : une arme si rapide et légère qu’une épée de cour n’a pas les propriétés physiques nécessaires à la taille, et de toute manière il serait suicidaire de l’utiliser quand on peut placer deux ou trois estocs dans le temps d’une taille bien armée.

A noter qu’à la guerre les armures disparaissent aussi, et la cavalerie recommande donc à utiliser la taille (sabres de cavalerie due 1er empire par ex).

Dans la période qui nous intéresse, à pied et sans armure lourde, l’estoc est secondaire à la taille, et ne peut être utilisé, en combat, qu’en touchant une zone déclenchant la mort immédiate : le cœur et la gorge sont deux cibles préférentielles.

b.      Taille : directs

La taille a le principal avantage, dans l’escrime qui nous concerne, c'est-à-dire à pied et sans armure lourde, de causer des dégâts tels à l’adversaire qu’il est aussitôt hors de combat, le plus souvent mort. La mort immédiate de l’autre, c’est la libération immédiate pour soi de la terrible menace qui pèse durant le combat.

On peut tailler de tout un tas de manière, qui portent toutes des noms spécifiques, mais on retiendra le principal :

-                      On peut couper selon sept directions : haut, haut à droite, droite, bas à droite, bas à gauche, gauche, et haut à gauche.

-                      Chacune de ces coupes peut se faire de deux façons : directe et sur un tour complet ou presque (moulinet).

Taille directe : on part de la position armée de l’épée et on va droit sur la cible : la frappe est rapide, mais assez simple dans son exécution, et selon certains plus faibles que l’attaque en moulinet.

c.       Taille : moulinets

La taille par moulinet consiste à faire tourner la pointe de l’épée comme pour fuir la cible, de lui faire faire un tour presque complet pour l’atteindre finalement, dans une autre direction (opposée en général), avec plus d’élan, à contre temps. Les écoles italiennes en sont friandes, les écoles allemandes les limitent au strict minimum. En effet, les moulinets offrent le gros désavantage de ne pas fermer de ligne d’attaque au moment d’attaquer soi même, ce qui crée une ouverture de plus dans la garde et expose à un coup plus rapide (taille directe ou estoc). Les moulinets peuvent par contre offrir l’avantage de décaler une attaque par rapport à l’intuition de l’adversaire, dans le temps et dans l’espace. Peut-être cela est-il utile à des escrimeurs extrêmement qualifiés. C’est aussi une attaque utilisée fréquemment en escrime artistique, son côté esthétique étant indéniable.

d.      Tranche

Trancher avec une épée revient à utiliser celle-ci comme un couteau. C'est-à-dire qu’à la place d’un mouvement perpendiculaire au tranchant dirigé vers la cible, on imprime un mouvement plus ou moins oblique à la lame, qui touche la cible en la frottant, comme on coupe une rondelle de saucisson (sur un allé simple de la lame). L’épée occidentale permet ce type de coup, cela dit elle est loin d’égaler en efficacité sur ce genre d’attaque un sabre oriental ou même européen. De toute manière, ces frappes sont peu utilisées, et on leur préfèrera la taille ou l’estoc. Elles ne peuvent fonctionner que sur des zones non protégées par une armure, même légère. Leur intérêt réside dans des blessures de harassement, obtenues sur des tranchés d’opportunités, lors d’une parade ou par transformation d’un estoc évité, par exemple.

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