La Claque et la Coupe

Après avoir reçu mon superbe katana tout neuf, je ne pouvais attendre longtemps avant de le tester. Comme je le disais dans le précédent article, quand je l'avais en main il me suppliait presque de couper quelque chose avec (la force de l'autosuggestion sans doute ^^).

Sans rire, je l'avais acheté pour deux grandes raisons:
- Avoir une belle lame chez moi, à but décoratif.
- Me permettre de couper des cibles afin de donner un sens supplémentaire à mon apprentissage de la Voie du Sabre... Et par là même hériter d'un garde fou contre l'orientation "compétition" du "Shinaido" (le Kendo pratiqué sans esprit comme un sport, avec seul motif, et seul but, de gagner en shiai).

La motivation venait également du fait que je ne pouvais me contenter d'un avis tout fait, de qui que ce soit, en particulier des média modernes (Internet, Cinéma, etc.) pour savoir comment couper, et également quelles sont les réelles aptitudes de coupe non seulement d'un Katana, mais d'une arme en acier trempé correctement affûtée/polie en règle générale.
On lit de tout, surtout des bêtises, sur le Web, une vidéo peut être truquée, et le cinéma EST truqué de toute façon. Dans un film avec des combats à l'épée (sauf peut-être ceux de Kurosawa ^^) tout est faux: le combat est faux, les techniques sont fausses, les contacts et bien sur les coupes sont fausses. Fausses dans le sens truquées, masi fausses aussi dans le sens "rien à voir avec la réalité historique d'un combat à l'épée".

C'est donc dans cet optique que j'ai décidé de me mettre moi même à la coupe. Après avoir martyrisé la boîte en carton vide d'un meuble en kit récemment acheté, je me suis décidé à me mettre sérieusement à la coupe, d'abord en trouvant de quoi faire un bâti sur lequel installer mes cibles.

Pour l'instant, ne possédant pas de support à parasol, ni de manche de balai en rab que je puisse dimensionner et tailler en pointe à un bout, je me suis contenté d'un bambou sec bien dur, taillé en biseau d'un côté, coincé entre les deux planches d'un "workmate" (établi miniature pour citadins en manque de place ^^), et reposant au sol. Ainsi, mes cibles sont à la hauteur d'un adversaire de ma taille, et sont coupables du niveau de la tête à la hauteur d'un Do "un peu haut" (juste sous les cotes flottantes).

PREMIER TEST

Pour mes cibles j'avais acheté des rouleaux de plage que je croyais en matière naturelle (paille tressée)... jusqu'à ce que j'enlève le plastique d'emballage et que je me rende compte que c'était en fait du plastique caoutchouteux... Hum...

J'ai donc testé quand même, avec des résultats... nuls. Quelque soit le tranchant de la lame, si la cible est résistante au cisaillement et très (trop) souple, qu'elle se couche sous l'impact, couper, en force, en souplesse, comme vous voulez, est impossible, même avec le rasoir géant qu'est un katana.
NB: Quoiqu'après inspection du "coupe choux de grand-père", j'ai revu à la baisse le tranchant d'un katana: c'est bien moins affûté qu'un rasoir, et tant mieux ! Un rasoir, après tout, a un tranchant très fragile, et un profil de lame concave, alors que le katana, comme toute épée, a un profil convexe (ou à la limite plat), ce qui diminue son pouvoir de coupe, mais le rend très solide.

Cible: un mètre carré de ce tapis de plastique souple tissé, roulé sur lui-même serré, tenu par des cordelettes nouées autour.

Résultat: La cible était très profondément entaillée (parfois de près d'un centimètre) mais pas coupée nette. De plus après quelques coups, le roulé prend du jeu et se tord presque tout seul. La seule coupe franche que j'aie obtenu est sur un coup remontant, qui du coup a poussé la cible vers le haut, donc redressée, qui est arrivé pile poil à l'opposé d'une coupe oblique venant d'en haut faite précédemment.

Conclusion quadruple:
- ne pas utiliser une cible trop "molle".
- couper n'importe quoi ne s'improvise pas, je pense qu'une partie de la compétence de coupe est de savoir choisir et préparer sa cible.
- un katana ne peut pas couper une vingtaine de couches de plastique mou tressé, et laissé libre à une extrêmité. Frapper comme un bourrin ne change rien à ce fait, faire une bonne coupe avec engagement du corps non plus.
- j'ai perdu bêtement dix euros en achetant cette m....

DEUXIEME TEST

Cible: 1 m 50 de carton gauffré d'emballage roulé sur lui même, serré, pour obtenir un cylindre d'environ 10 cm de diamètre sur un mètre de haut.

Résultats:
Sur une frappe correcte et souple avec engagement du corps, entaille de trois ou quatre centimètres dans le rouleau.
Sur un "coup de hache", une mauvaise vibration dans le bras (ouch), et le rouleau coupé sur 5 - 6 cm. Je ne le referais plus, j'ai eu peur pour la lame, qui heureusement n'a pas bronché.
Sur une frappe correcte avec engagement du corps en frappant très fort, mais raisonnablement, entaille de 10 cm de long. en diagonale, n'a donc pas coupé complètement le carton. Sensation peu agréable dans les bras.

Conclusion triple:
- le carton est un meilleur matériau, mais toujours pas adpaté: s'il a beaucoup de couches, il se coupe mal, s'il en a peu, il plie et s'arrache.
- frapper bien et fort est la meilleure méthode pour couper profondément. Cela dit, la forme et l'équilibre de la frappe en sont altérées.
- en absence de pluie, une armure de plus de 10 cm d'épaisseur en carton gauffré est une protection acceptable contre un katana ^o^.

TROISIEME TEST

Cible: un "pool noodle" de chez Go Sport, 2€99 pièce, coupé en deux pour faire deux cibles (taille initiale 155 cm, environ 10 cm de diamètre).

Commentaire sur la cible:
Ayant de sérieux doutes à la fois sur ma technique, et aussi sur mon acquisition (bon solide oui mais coupante ??), je me procure cette cible qui est coupée sur Youtube par beaucoup de gens, expérimentés ou non.
Le "pool noodle" est un cylindre de mousse dense et très ferme et qui sert à aider à la flottaison de gens apprenant à nager. Un genre de bouée increvable et cylindrique, plutôt que torique, pour apprentis nageurs.
Contrairement au "pool noodle" américain, celui-ci est plein. Au toucher, il a la consistance d'un muscle, ce qui en fait une bonne cible: dense, souple mais peu flexible (sur un impact j'entends). C'est, je le pense, un bon simulateur qui remplace bien le tatami omote (couche de paille tressée emballant les tatamis, utilisée au tameshi giri "traditionnel" après avoir été trempée dans l'eau pour la rendre plus facile à couper et plus proche de la chair au niveau texture). Il ne simule pas un membre entier, mais je veux acquérir de l'expérience avant de me lancer dans des tests plus difficiles...

Résultats: Sur un grand Sayu Men ample, comme on les fait au dojo à l'entraînement, une coupe propre, nette, droite, sans bavure, ni écorchures du matériau, comme s'il était cautérisé en surface, ou coupé avec une scie d'usine. Le morceau sectionné vole à travers tout. Le morceau en place ne bronche presque pas. Aucun choc dans les mains, le sabre passe au travers comme s'il n'y avait que de l'air.
Constatations identiques sur Kesa Giri, Gyaku Kesa, Do "Kendo", et Do "Ichimonji" (coupe horizontale). La seule différence réside dans la propreté et la rectitude des coupes, dues à ma compétence... de débutant. Mais à chaque fois le sabre coupe et ne rencontre aucune résistance, sans avoir besoin de forcer comme un ours ni de se déséquilibrer.

Conclusion Double:
- C'est une bonne cible pour moi. Go Sport va bientôt recevoir la visite d'un cinglé qui va vider ses stocks de pool noodles. ^^
- Le katana de Cheness coupe très bien, mais comme toute arme, il est fait pour des cibles bien spécifiques, ou leur simulacre. Il est très parlant de remarquer que plus la cible a des propriétés proches de la cible historique (ie un corps humain), plus les techniques, et la lame en elle même, marchent bien. Bref, comme me l'avait dit mon maître de Kendo, un sabre, mécaniquement, c'est un grand couteau à viande et pas grand chose de plus.

QUATRIEME TEST

Sur la même cible, plutôt sur le bout qui restait, j'ai effectué quelques tests non plus sur la capacité de mon sabre à couper, mais sur certaines techniques de Kendo, soit qui me semblent plus taillées pour le shiai que pour refléter une certaine réalité du sabre, soit que je n'ai pas l'habitude de pratiquer (souvent les deux en même temps).

Résultats:
- Petit Kote: cette frappe ne se fait qu'avec un léger mouvement du bras gauche, qui appuie vers le bas puis tire vers le haut le manche du sabre. Le bras droit ne bouge pas. L'amplitude est juste suffisante pour passer au dessus du gant et apuuyer un peu ensuite. Par contre, comme toute coupe de Kendo, il y a déplacement du corps, et donc du sabre, vers l'avant, franchement.
=> Le pool noodle est entaillé sur trois centimètres de profondeur, très nettement ouvert, mais pas coupé de part en part. J'ose à peine imaginer l'effet d'une coupe similaire sur un avant bras sans armure: vraisemblablement coupure profonde des muscles, des tendons, des veines et artères. L'os doit tenir bon mais c'est tout.
=> Finalement, ce n'est pas si "compet'" que ça, le petit Kote... ^^
- Tsuki: Ouille ! Si le tsuki est fait avec engagement du corps, comme une coupe, le sabre passe à travers tout sans qu'on s'aperçoive de rien ! Sur un bon Tsuki la lame dépassait de trente centimètres derrière la cible...
- Petit Men: Similaire au petit Kote, se fait comme un Tsuki, sauf qu'au dernier moment on lève la lame à la fois en poussant avec la main gauche vers le bas et en relevant le bras droit, avant d'inverser le mouvement. Là encore engagement franc du corps tout entier, en bloc, vers l'avant.
=> Pool noodle tranché dans le sens de la longueur sur plus de dix centimètres ! Quand même... Cela dit, je dois modérer sévèrement la validité du test: un crâne, ça n'est pas un muscle, mais un os... Je pense tout de même que, par contre, sur une telle frappe, réalisée à hauteur de Kote, adieu l'avant bras s'il est touché ! Il faudra que je valide ça...
=> Il faudra faire d'autres tests pour le petit Men.

CONCLUSION GENERALE:
- Choisissez convenablement votre cible.
- Ne changez pas vos techniques: si ça ne coupe pas, changez de cible.
- Je commence à comprendre pourquoi une armure de plate protège complètement d'un coup de taille: si un sabre ne coupe pas 12 cm de carton, alors du fer...
- Une grande coupe est surdosée face à un adversaire sans armure, sauf peut-être au front.
- Une petite est légèrement sous-dosée si elle est "minimaliste, orientée rapidité au shiai" Par contre, à peine plus forte, elle semble très valable contre un adversaire en tenue de ville. Les sempai qui n'arment ni en grand ni en petit seraient donc dans le vrai...
- Ceci étant dit, bien sur, mes techniques sont ce qu'elles sont. Peut-être qu'un 4e Dan couperait complètement le noodle sur un petit Kote ^^.
- Pour mieux valider les coupes, il faut améliorer le réalisme de la cible.

Comments

[devis mutuelle p]

Au passage, très bien votre blog :) Je dois dire que je ne regrette en rien de m'être abonné à votre weblog. Amicalement,