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Shugyo
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4 février 2009

03/02/2009, warriors showdown

J'ai pu aller au Kendo hier soir, après à nouveau deux absences et une session annulée collectivement, le club participant à une petite fête organisée pour un professeur de judo atteint d'une maladie grave, qui se voyait décerner son 4e Dan à titre honorifique.

Le maître était absent mais sa fille nous a fait cours. Comme toujours quand ce sont les enfants du maître qui le remplacent, les cours sont plus physiques, et moins techniques (au sens apprentissage de technique pur). A l'échauffement je sentais de mauvaises jambes, mais ça s'est vite envolé avec les étirements et les suburis.

Suite aux suburis et à la mise des Men, nous n'avons pas suivi une démarche de cours standard -i.e Kiri Kaeshi, exercices techniques ou kakari geiko, puis ji geiko- mais avons adopté un exercice unique permettant d'alterner les phases, et, sur tous les points, ça m'a semblé une bonne idée, même si j'ai regretté le travail technique "pur" qu'on fait avec le maître.

Mais avant cela nous avons beaucoup travaillé Kiri Kaeshi, non sur trois men et 18 sayu men, mais sur toute une largeur de gymnase, ce qui cultive le souffle, pour le moins qu'on puisse en dire... ^^

Cet exercice, dont je parlais toute à l'heure, consistait en une suite d'exercices, avec le même partenaire:
- Kiri Kaeshi
- Uchi Komi Geiko / Kakari Geiko
- Ji Geiko
- Kiri Kaeshi.
- On tourne et on recommence avec un autre partenaire.

A ce rythme là, au bout d'une bonne heure j'étais lessivé.
Mais je dois reconnaître qu'à mon avis la méthode est meilleure, puisqu'ainsi j'ai pu profiter de plusieurs geiko en étant relativement "frais", au lieu de tous les faire à la fin en étant "naze" (je ne sais pas pour vous, mais kakari geiko m'épuise plus vite que ji geiko).
Mais dans cette heure, j'ai peu retrouver la juste décontraction que j'avais déjà touché du doigt dans d'autres séances, celle qui n'endort pas, mais qui permet aux muscles d'être rapides sans trop fatiguer, et qui affûte les réflexes.
En l'ayant ressenti longtemps, je peux essayer de l'expliquer, bien que l'exercice soit assez périlleux.
Au niveau physique: le bas du corps est tendu comme des cordes d'arc. Cuisses dures, fesses dures, (ça fait mal au jambes d'ailleurs ^^), et, surtout, abdominaux actifs dans la respiration: pour expirer il faut vraiment se "ceinturer" l'amdomen... Je commence à avoir de la reconnaissance pour la bonne âme qui nous fait faire du gainage, même sous les huées de ses camarades.
Le haut du corps, par contre, est... désolé pour l'image, mais je pense à un poulpe. Ces bêtes ont l'air visqueuses et molles, en réalité elles sont d'une force colossale. Et bien, pour que vos frappes soient rapides, nettes, et que votre disponibilité vous permette de parer ou de faire debana, il vous faut des tentacules de poulpe à la place des bras... sans aucune rigidité. La seule chose qui doit rester un peu tendue pour être bien droite, c'est la colonne vertébrale. Le reste, mou, mou, mou... mais pas endormi ^^.
Au niveau mental: J'étais, je pense, dans l'erreur depuis quelques séances en ji geiko, me disant "keiko" ça veut dire entraînement, donc adopte une logique d'apprentissage... Honnêtement, que dalle, c'est du flan: nosu avosn été formé à apprendre de manière intellectuelle. Donc à voir, observer, analyser, comprendre. C'est une attitude physique passive. C'est trop lent, et ça manque de nerf: impossible de faire du kendo dans cet état d'esprit. L'esprit "apprentissage", il se situe APRES le geiko, ou bien lors de pauses où le maître fait un commentaire. Mais dans le geiko, impossible de faire du bon kendo sans "tension". Ce qui va lutter contre "l'endormissement" du à la décontraction du haut du corps dont nous n'avons pas l'habitude, c'est le "killing spirit".
C'est peut-être un peu dur de le nommer ainsi, mais, pour ma part, après analyse, je pense que "fighting spirit" n'est pas juste, du moins ça ne marche pas pour moi. L'esprit combattif, tel que je le ressens, c'est être volontaire dans le combat, ne pas le subir, y aller "avec joie et entrain". C'est bien, mais ça n'est pas suffisant vu l'effort qu'impose un vrai geiko. L'esprit combattif, c'est "se battre". Ce que j'appelle le "killing spirit", c'est le cran au dessus. C'est le "couper l'ennemi" de Miyamoto Musashi. J'ai refusé cet état d'esprit dernièrement en me disant "le Kendo est une voie d'amélioration de l'être humain à travers l'esprit du sabre", "le partenaire n'est pas un ennemi mais un allié de progrès", etc. C'est très vrai. Nous avons besoin des autres pour progresser collectivement. Mais cet état d'esprit ne doit pas exister lors du Geiko ou du Shobu, car l'esprit fraternel, l'amitié, le "je t'apprends tu m'apprends", endort les sens, et prive d'une bonne partie de l'instinct de combat. Le "killing spirit", c'est la capacité de voir en son partenaire, après les saluts et la mise en garde de départ, comme une menace existentielle dont il convient de se débarrasser au plus vite pour survivre (en respectant scurpuleusement les règles de l'art bien entendu, ça n'est pas un "vrai" duel où tous les coups sont permis). Ca vous semblera peut-être barbare ou dangereux, mais c'est le seul moyen à ma disposition pour ne pas dormir... et réussir, sans doute pour la première fois, à ne pas choper de points de côté. Le "killing spirit", c'est une "rage contrôlée par la conscience de ce que l'on fait". On se bat, on fait quelque chose de dangereux pour soi et pour l'autre, et on utilise une technique de combat très exigeante. Il faut rester "froid", ne pas se laisser emporter par son instinct primaire. Mais ça ne veut pas dire le "supprimer": auquel cas on retombe dans une ambiance d'étude par trop passive. Il "suffit" de canaliser cet instinct, mais surtout je pense qu'il faut le laisser couler... sans débordements.
Lorsque je fais ça, le kiai vient tout seul, et pas seulement celui des frappes, obligatoire. J'ai beaucoup appris sur le kiai en observant les deux chats de mes parents s'affronter dans des joutes parfois amicales, et parfois non. Le kiai du Kendoka, ça n'est pas seulement le "hoooo hisse !" du docker, celui qui libère l'énergie de la frappe, et qui doit être coordonné aux hanches et au sabre pour créer le "ki ken tai no ichi".
Un peu comme zanshin qu'on observe à la fin d'une frappe mais qui doit toujours être là, un peu comme le seme qu'on fait avant de frapper mais qui doit toujours être présent, le kiai se fait pendant la frappe, mais aussi avant et après.
Le kiai permet de libérer l'énergie, mais pas seulement. Il est aussi le feulement et le crachement du chat. Provocation, si utile pour kakari en kakari geiko, il doit "aspirer" le partenaire dans le combat. Intimidation, il doit pouvoir le "geler" une fraction de seconde le temps de frapper. Il permet aussi de "recharger les batteries" en cas d'essoufflement, même et surtout s'il fait mal aux poumons en cas de point de côté: ça fait mal, c'est que ça soigne ! ^^. Enfin, il permet de faire passer plus vite la douleur d'un mauvais coup, surtout au poignet et dans les côtes.
Hier soir, j'ai trouvé mon kiai en renouant avec le "killing spirit". Peut-être qu'à mesure de l'entraînement, et des années, je pourrais me permettre de "m'assagir" mentalement, mais là, je n'ai pas d'autre choix.
Bon, tout ça, c'est bien beau, mais est-ce que c'est efficace? Je le pense sincèrement. Ne pas se préoccuper du bien être de l'autre, et exécuter ses frappes "pour tuer", permet de se libérer l'esprit d'une contrainte qui retient, qui crispe... et qui fait faire des erreurs qui peuvent être douloureuses pour celui-là même qu'on voulait épargner. Par contre, le revers de la médaille, c'est que quand on "loupe" une frappe délivrée dans cet état d'esprit, ça fait très mal la plupart du temps.

A la fin de ces entraînements nous avons fait "Ippon Shobu", et les gradés shiai. Moments intéressants, ces shiai. Ce ne sont pas les plus gradés qui ont vaincus, mais justement ceux qui "en voulaient", qui étaient les plus impliqués et motivés. J'ai vu un 2e dan vaincre un 5e "par la seule force de son état d'esprit". Bon, c'est un vieux renard et son grade officiel ne représente pas son niveau et sa maturité, mais s'il déclare avoir vaincu "sur un coup de bol", je ne suis pas de cet avis. Dès le début, il a pris l'initiative, a accepté d'attaquer alors que son adversaire était très fort en contre, et finalement, a vaincu sur une légère hésitation fatale de l'autre. Pas de hasard dans tout ça... J'ai vu aussi l'un des jeunes espoirs de notre club, ultra rapide, ultra physique, mais un peu désordonné et peu posé en combat, affronter un adversaire d'un autre club, du même profil que lui: même garde, même âge, même kendo "explosif". Ils se sont un peu observés, taquinés, puis le challenger a enchaîné une suite impressionnantes d'attaques, au moins cinq ou six, presque comme une rafale de mitraillette. Mais elles ont été contenues, canalisées, détournées, esquivées... et sur le moment de "pause" du sans doute au doute et à la frustration des échecs successifs, paf, un Men, tout simple, tout net, parfait. Une victoire magistrale qui a fortement impressionné le débutant que je suis. Une victoire du mental sur le physique, une victoire du "killing spirit" sur le "fighting spirit": notre jeune espoir, avant ce combat, et même après, n'avait pas le même regard et la même attitude que d'habitude: ni "déconneur" avant, ni exultant après sa victoire. Calme, froid, réservé. Un très grand moment de Kendo auquel j'ai eu la chance d'assister.

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