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Shugyo
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25 mars 2009

24/03/2009: tombent les fleurs de cerisier

Cela fait un moment que j'essaye de ne pas réfléchir lorsque je fais du Kendo, et je dois dire que j'y arrive plutôt bien maintenant. Je me contente de "sentir" mes gestes, mes combats, mes succès comme mes échecs. La connexion muscles <=> âme est plutôt bonne, en tout cas vraiment plus rapide qu'en passant par la réflexion. Les sempais ont raison: le corps lui même apprend, pas que le cerveau. Il est simplement (pour ma part) plus long à l'apprentissage, mais, en terme de Kendo, l'efficacité de cette méthode me surprendra toujours.
C'est la raison pour laquelle je n'ai rien écrit sur le Kendo depuis un petit moment.
Mais aujourd'hui, J'ai vécu plusieurs expériences fortes, et je tiens à en témoigner.
Premièrement, notre sempai "pur et dur" m'a réappris à faire Grand Men. Apparemment, j'arme bien au dessus de la tête, mais mon sabre retombe derrière moi, il est trop penché en arrière, alors qu'il devrait être dressé à 45° derrière l'axe de mon corps. Après quelques essais pas terrible, j'y suis arrivé. C'est plus dur, à mon avis, ça requiert plus de force dans le poignet gauche, mais ça va encore plus vite, et c'est à la fois bien plus beau et plus impressionnant: quand on a armé comme ça, on a l'air beaucoup plus grand. Le sempai en question faisant dans les 1m90 et tout sec avec ça, je dois dire qu'il était assez effrayant dans cette posture. Ca m'a fait bizarre de réapprendre la base de la base, mais, finalement, ça m'a fait plaisir. A chaque fois que je réapprends la base, j'ai l'impression de commencer un nouveau "tour du Kendo" où je réapprends tout et me révèle meilleur globalement. Le geek en moi a pensé aux jeux de rôle et à la montée de niveau. (<Gingle>: "le barbare gagne un niveau" Ouéééé !)
Ensuite, j'ai fait mon premier geiko avec "waka sensei", le jeune maître comme je l'appelle en moi-même, comprenez le fils du maître.
Déterminé à me donner à fond, j'ai fait un bon geiko et j'ai eu l'honneur de recevoir des encouragements de sa part. Mais pendant ce geiko, à un moment il a lu un Men, et m'a immédiatement décoché un Nuki Do MONS-TRU-EUX. Bien tapé, nickel, parfait, enfin du waka sensei tout pur. Mais ce qui m'a surpris, ça a été ma sensation lors de la réception du coup. Je me suis senti vraiment "coupé". Une onde de choc à traversé mes intestins, j'ai ressenti une vive brûlure et une légère nausée. Et bien sur je me suis figé sur place dans la miliseconde, alors que j'étais en plein milieu de mon Men, comme si mon corps s'était retrouvé prisonnier d'une courte pause dans le temps. aveugle, sourd, muet, paralysé. La douleur s'est imméditament effacée, et j'ai pu continuer à me battre aussi bien qu'avant. Je ne peux pas vraiment l'expliquer avec des mots, mais pour moi, sur ce coup là, Waka Sensei m'a tué. Depuis deux ans maintenant je me suis pris des miliers de coups, justes ou pas, sur l'armure ou pas, douloureux ou pas, mais jamais je n'avais ressenti ça, cette sensation hyper bizarre, comme si, l'espace d'un instant, toutes les fonctions vitales cessaient, sur un seul coup de sabre.
Suis-je complètement grave, en tout cas, je ne lui en veut pas le moins du monde, au contraire, je le remercie pour deux choses:
- m'avoir fait connaître ça. Totalement impressionnant.
- m'avoir fait prendre conscience de la réalité de la dualité vie/mort au Kendo, même si on se bat en armure avec des shinais "inoffensifs".
J'ai gardé pour toute séquelle quelques capillaires claqués sur la zone d'impact, même pas un bleu, donc tout va bien pour moi.
Enfin, après les geikos, à la fin de l'entraînement, notre maître nous a offert une pointe d'émotion: Ippon Shobu !
Cet exercice, pour moi, c'est le Kendo. Même la compet' en trois points ne s'en approche pas. Ippon Shobu est un duel "à mort" entre deux pratiquants, qui se joue sur un point, parce qu'on a qu'une vie. On peut perdre sur un coup de déveine, d'où l'idée de multiplier les points en compet', pour effacer le facteur "chance", et déterminer le meilleur combattant. Mais bon, dans un vrai duel, je vois mal le mort dire "Bon, t'as eu du bol sur ce coup là, ça te dérange si on la refait ?"
Je suis tombé sur un partenaire de mon niveau, cerise sur le gâteau. Revers de la médaille, après des geikos avec trois cracks et un gamin fils de kendoka vraiment pas mauvais, j'étais lessivé façon "carpette avec trois points de côté".
Mais ça aussi, c'est Ippon Shobu. "Je suis cassé, là, tu reviens dans un quart d'heure ?", ça marche pas non plus dans un duel.
Fort de mon expérience de "mort" récente aux mains du fils du maître, j'ai réussi à réunir tout ce que j'avais pour ce duel. Incroyables trésors que ceux du mental, capables d'effacer la fatigue, les crampes, le manque d'air, la nausée. Il "suffit" d'y croire. Le vieux nain vert avait raison: "N'essaie pas, FAIS-LE", et "J'arrive pas à y croire" "Voilà pourquoi tu échoues", sont à graver dans le marbre pour ce qui est du Kendo.
Sur ce duel, j'ai trouvé le Vide, le Mushin, le Killing Spirit, tout. Un grand moment pour moi.
Nous avons fait quelques passes infructueuses, mais dès le départ Aite était sur la défensive. Vers la toute fin, je me suis abaissé sur mes jambes, malgré la fatigue, j'ai abaissé ma garde pour lui faire perdre le contact avec moi, et sur un instant de "court-circuit" que j'ai perçu chez lui, boum, Men. On s'est rentré dedans violemment juste après, et quand je me suis "réveillé" j'étais déjà en garde loin de lui. Si j'avais eu le niveau j'aurais pu lui passer un Tsuki dans la foulée tellement il était "sec".
J'ai repensé à mon expérience avec le fils de mon maître, et je me suis dit qu'il avait peut-être ressenti quelque chose de similaire...
Difficile de décrire avec des mots: c'est la première fois que je tue quelqu'un. ^^
Non, sans rire, ça travaille encore en moi.
Cette double expérience de vie et de mort, dans la même séance, c'est pour moi à la fois un inestimable trésor, mais aussi une vraie révélation pour le Kendo. Finalement, cet art martial qui a malheuresuement tendance à se sportiver n'est pas si loin que ça de l'art du sabre des ancêtres japonais qui l'ont créé... pour peu qu'on le vive pleinement.
En ce moment, à Paris, les cerisiers sont en fleurs. En passant devant l'un d'eux ce matin cette phrase m'a traversé l'esprit "tombent les fleurs de cerisier". Malgré son côté triste, je n'ai pu m'empêcher de me sentir bien et de sourire à l'arbre.

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Commentaires
I
l'inexplicable surgit partout. on devrait s'y résoudre.<br /> mais non, faut toujours qu'on essaye d'expliquer : il semble qu'on s'attende souvent au coup qu'on reçoit. et pis des fois non ! finalement on s'y attendais pas, l'autre a vraiment frappé dans un véritable vide de notre garde, surprise !<br /> <br /> - poc ! t'es mort. <br /> - Argl, oui. effectivement !
Shugyo
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