J'ai revu hier soir le magnifique "Kingdom of Heaven" que je me suis offert en DVD.

J'aime ce film pour sa symbolique de paix, sa dénonciation des rééls motifs des croisades, pour Liam Neeson (même si on le voit pas beaucoup, j'adore cet acteur), Orlando Bloom, et... bon, soyons honnête, Eva Green ajoute une touche très agréable aux décors déjà somptueux... ^^

Je ne poste pas ce soir pour parler de la problématique "croisade" (bien que ça soit un de mes sujets d'histoire favoris, même si j'avoue mieux connaître la croisade contre les Albigeois que les croisades en Terre Sainte, y compris la dernière pour le pétrole... enfin je m'égare...)

Je poste pour ça, c'est un des moments forts du film et j'avoue que j'adore:

Godfrey of Ibelin: "Be without fear in the face of your enemies. Be brave and upright that God may love thee. Speak the truth always, even if it leads to your death. Safeguard the helpless and do no wrong. That is your oath."

Godfrey of Ibelin: [cuffs Balian with the back of his hand] "And that's so you remember it."

Hospitaller: "Arise a knight and Baron of Ibelin".

Je n'ai pas encore recherché quelles sont les paroles exactes prononcées lors d'un adoubement à ce temps là, mais je pense que, même si ça reste du cinéma, ces mots simples ont un sens à méditer, sens qui devait être très "signifiant" du temps où on y croyait encore (enfin certains n'y ont jamais cru, c'est évident, mais si ce genre de serment a traversé l'histoire, il y a quand même une raison...)

Je ne puis m'empêcher de faire le parallèle avec les vertus du samurai que nombre de kenshi connaissent bien:
LA BONTÉ et LA BIENVEILLANCE : SHINSETSU "Safeguard the helpless and do no wrong"
LA DROITURE : TADASHI "...and upright that God may love thee"
LE COURAGE : YUUKAN "Be without fear in the face of your enemies. Be brave..."
LE RESPECT : SONCHOO
LE CONTRÔLE DE SOI : SEIGYO
L' HONNEUR : MEIYO
LA FIDÉLITÉ : CHUJITSU
LA SINCÉRITÉ : SEIJITSU "Speak the truth always, even if it leads to your death."
LA MODESTIE et L' HUMILITÉ : KEN "[cuffs Balian with the back of his hand]"

Certes, tous les préceptes ne sont pas illustrés, mais tous ces concepts sont liés les uns aux autres: comment respecter les autres en faisant le mal, comment avoir de l'honneur en étant timoré ou menteur? Comment avoir du contrôle sur soi sans courage, et vice versa ? Comment être sincère et infidèle ?

Bien sur, il y a de nombreuses similitudes entre Japon féodal et Europe médiévale. Bien sur, un guerrier attaché à un suzerain, qu'il soit nippon ou européen, aura des engagements identiques à niveau de civilisation identique...

Mais pour que deux choses se ressemblent tant, entre deux peuples n'ayant pas eu le moindre contact, n'y a t-il pas derrière tout ceci quelque chose d'universel, qui va au-delà de la politique féodale et de la nécessité de mettre au pas un nombre important de puissants guerriers, derrière une idéologie religieuse, pour éviter des guerres incessantes?

Personnellement, même averti des corruptions et malhonnêtetés du Moyen Age, nippon ou européen, qui valent bien celle d'aujourd'hui, même versé dans cette histoire aussi passionnante que perverse de ces époques troubles, pleines de complots, de conflits d'intérêts, sous couvert de religion absolue, de trahisons, d'empoisonnements et de déloyauté, je ne peux m'empêcher de me sentir très vivement ému lorsque j'entends ces paroles.

Il y a donc une part de moi qui "pense" que ces choses ne sont pas l'émanation d'une politique féodale, mais d'une chose universellement enfouie au plus profond du coeur de tous les hommes. Un mythe fondateur de sociétés, certes, mais peut-être bien davantage. Je refuse de croire que ce que je ressens, et ce que d'autres ressentent, n'est que la combinaison d'un art cinématographique consommé et d'un endoctrinement reçu durant ma jeunesse. J'aime à croire qu'il y a là dedans une Vérité Fondamentale de l'Etre, quelque chose qui dépasse civilisations et mythes. Quelque chose de plus grand que nous mêmes, et que tout roi, seigneur ou grand prêtre ne peut dépasser.

On dit que les valeurs auxquelles s'attache une civilisation sont celles qui lui manquent le plus... Peut-être devrait-on dire une civilisation sage?
En effet, qui pense que l'honneur, la droiture, le courage et surtout la bonté, sont tellement monnaie courante, de nos jours, que c'est pour cette raison qu'on n'en parle plus?

Alors POURQUOI avons-nous abandonné ces valeurs, si elles nous font toujours aussi cruellement défaut?

Où sont passés nos mythes, nos racines, les fondements mêmes de nos civilisations?
Rome est tombée quand sa pensée austère, certes militaire, mais aussi philosophique et culturelle, s'est effondrée, écrasée par le profit mercantile, les plaisirs orgiaques et le confort éhonté et remarquable de ses citoyens.

Personne ne voit-il un certain lien entre cette époque... et la nôtre?

Pourtant, il y a encore ici bas des gens, j'en connais plus d'un dans mon entourage restreint (^^), qui croient en ces mots, anglais ou japonais.

Pourquoi dans ce cas ne pas donner ces exemples à nos enfants? Par souci d'intégration sociale? Par peur de les faire souffrir ensuite de trop de droiture? Par pensée politiquement correcte (que de violence dans ces époques !) ?

Par... facilité? C'est si facile d'engendrer une lolita gavée à la Lorie ou un petit kéké qui vit pour le fric, les plaisirs futiles et faciles, à la petite semaine !

Je suis un futur père, et je me pose de nombreuses questions sur la manière d'éduquer ma decendance... Et cela commence par le désir de parfaire et compléter la mienne !

Ensuite, riche ou moins riche, réussite sociale incandescente ou petite vie modeste, peu m'importe...
Vieux jeu, débile, ou autre, ma plus grande ambition éducative vis à vis de mes rejetons, et aussi vis à vis de moi, c'est de pouvoir dire "Arise a knight !", un jour ou l'autre, pour moi peut-être, surtout pour eux, sans avoir à rougir devant le mensonge...

Parce que la force morale de ces vertus est le moyen le plus sur de lutter contre le malheur, et parce qu'on n'a jamais autant besoin de sagesse martiale qu'en temps de paix... puisque c'est justement ce qui fait défaut, ce qui ne sert apparemment à rien.

A méditer, un grand incroyant et non mystique, Compte-Sponville, illustre dans son excelelnt livre, je vous le recommande (La capitalisme est-il moral ?), plusieurs niveaux de réalités et d'exigences dans ce monde:
- scientifico-économique
- politico-légal
- moral
- éthique

Avec deux dynamiques: une collective, qui ramène aux besoins les plus réels, le barbarisme, et une individuelle, qui pousse aux vertus les plus hautes, l'angélisme.

Ces deux dynamiques doivent s'équilibrer pour générer un monde en harmonie, et l'angélisme ne doit pas déborder sur le collectif, pas plus que le barbarisme sur l'individu.

Dans ces temps de grande barbaries capitalistes (le Tout ramené à l'économie érigé en Principe Suprême), comme du temps des barbaries de la force physique, jamais nous n'avons eu autant besoin de conscience individuelle, de vertu, de morale.

Si nous voulons éviter le sort de Rome, ça n'est pas d'informaticiens, de commerciaux, ou d'avocats que nous avons besoin, mais d'hommes et de femmes sacrifiant une part de leur intégration et de leur bien être social pour essayer de vivre une vie spirituelle, laïque ou non, comme des chevaliers (la dimension religieuse n'étant pas finalement capitale, puisque la chevalerie dépasse les frontières de la chrétienté, de l'islam, du shintoïsme, etc...).

Raise Knights !

Arise a Knight !

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