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Le Sabre et l'Esprit
En cherchant d'autres bons mots de Talleyrand, et ils ne sont pas rares, je tombe sur un très bon mot de son empereur, Napoléon Ier:
"Il n'y a que deux puissances au monde, le sabre et l'esprit : à la longue, le sabre est toujours vaincu par l'esprit."
Beau sujet de dissertation politique, n'est-ce pas?
Mais cette fois-ci, j'ai envie de lire et de comprendre cette phrase non en tant que passionné de la chose politique, mais en tant que kenshi.
Que pouvons-nous retirer de cette phrase ?
Je ne sais pas exactement ce que Napoléon voulait dire par là, mais on peut l'interpréter comme suit:
Le sabre est le symbole de la matérialité, pour le kenshi: son corps, son arme, mais aussi ses aptitudes physiques, son punch, son agilité. Même si ces domaines ne relèvent pas que du corps, on peut parler de choses fondamentales en Kendo: la posture, la garde physique (Chudan, Jodan, etc.)...
L'esprit serait plutôt l'état d'esprit, le mental, la garde mentale, la vigilance, la présence, la menace... mais aussi l'intelligence de combat, la lecture de l'adversaire...
Sur un champ de bataille on peut dans une certaine mesure compenser la supériorité numérique ou technique de l'adversaire par une stratégie plus fine, plus habile, plus inhabituelle.
Il en est de même, je pense, dans nos geiko, présent, passés, futurs, et il est bon de garder le mot de Bonaparte à l'esprit.
C'est un immense encouragement: on peut avoir à faire, c'est mon cas, à des adversaires qui ont un meilleur physique, même une meilleure technique... Bien sur, on est battus. Mais ça n'est pas définitif, et si, biens ur, avec l'entraînement, tout s'améliore dans "le sabre", au bout du compte, celui qui sait cultiver son esprit à l'entraînement, et même dans sa vie hors du dojo, celui-là s'offre la chance de progresser mieux un jour, lorsqu'il sera suffisamment préparé.
Je pense, et j'aimerais me tromper, que parmi les licenciés de Kendo, en France, mais aussi ailleurs et même au Japon, le Kendo est de plus en plsu pratiqué comme un sport.
On ne travaille que le sabre, et on pense que l'esprit n'est que le fait des maîtres qui ont leur 6e dan bien tapé, quand ce n'est pas leur 8e.
Ma version des choses est que l'esprit doit se cultiver dès qu'on commence à avoir une idée de ce qu'on fait dans un dojo, c'est à dire, pour certains, au bout d'un certain temps, et pour d'autres, comme moi, avant même de s'être inscrit.
L'esprit, comment l'aborder quand on débute ?
Certes, il y a tellement de choses à comprendre, à appréhender, et surtout à faire en entraînement, qu'il peut sembler vain de vouloir pratqiuer l'esprit comme on se l'imagine: lire une attaque avant qu'elel ne se produise est tout bonnement impossible avant d'avoir combattu de très nombreux geiko ou shiai !
Mais il y a un esprit qu'on peut avoir tout de suite. C'est celui de l'importance, présente à chaque instant, de ce que l'on fait, pour les gens qui ont élaboré ces techniques, et dont nous tâchons de perpétuer l'esprit.
Se dire, par exemple juste après le Mokuso (courte méditation) de début,a près la coupure avec le monde de tous les jours, que ce qu'on nous apprend va nous aider à mieux vivre, à survivre non pas au combat à mort au sabre, qui n'existe plus et heureusement, mais aux différents problèmes de notre quotidien dans cet inlassable combat qu'est la vie, et que même si on ne comprend pas tout de suite on comprendra un jour pourquoi cela aide, permet de s'entraîner avec sérieux, compétent ou pas, fort ou pas, sportif ou pas encore.
En entraînement, soyez attentif et consciencieux, comme si votre vie dépendait de ce que vous apprenez.
Lorsqu'on vous demande de respecter un protocole, demandez-vous pourquoi: les japonais ont une étiquette à deux niveau: un niveau "spirituel", un niveau très pratique. Les marques de respect et de sécurité qu'on doit observer dans un dojo ont presque toujours ces deux justifications.
Pratiquez l'entraînement physique comme destiné à vous assouplir, à renforcer vos articulations, à muscler vos jambes, votre ventre, votre dos, mais aussi à éprouver votre mental. Il est difficile de faire bien avec attention quelque chose de répétitif qui peut vite devenir lassant. Au lieu de bouder, dites vous que vous avez une chance d'éprouver votre patience !
Pratiquez le Kihon, et Uchi Komi Geiko, comme si à chaque fois on vous demandait de mettre un terme à l'existence de votre vis-à-vis, non pas comme une barbarie, mais comme un moyen de survivre. Ne lésinez pas, lâchez-vous, tapez dans la butte. S'économiser en Kendo est totalement anti-économique: c'est un entraînement, il est fait pour vous donner l'occasion de donner tout ce que vous pouvez !
Pratiquez Kiri Kaeshi pour le souffle, le rythme, les réflexes, et tout ce que cet excellent exercice apporte à votre "sabre". Mais si vous le faite comme une machine de muscles, il n'aidera pas votre esprit. Attaquez pour attaquer, mêem si la codification est imposée. Cela aidera votre motodachi à parer pour parer, et à ne pas passer son shinai de droite etd e gauche paresseusement: faites lui sentir que s'il ne se bouge pas, il va avoir mal ! De même, essayez de faire de grands pas, en avant et en arrière (même si c'est très difficile). Posez vous la question: devant un adversaire armé d'un vrai katana, ne reculeriez-vous pas plus... prestement ?
En geiko et en shiai, efforcez-vous de ne pas tomber dans la recherche du point facile: c'est laid, ça énerve les maîtres, et quelque part c'est de la triche (qu'est-ce sinon que de contourner les règles d'un sport?)
Si vous ne le faites pas, vous gagnerez plsu facilement des shiai, même si vous vous faites planter en geiko. Mais vous ne servirez que le "sabre". Votre esprit, lui, est hors de la Voie, celel qui vous servira dans la vie.
Exemple frappant (tous ceux qui combattent le font un jour): pour esquiver un Men, il suffit parfois de pencher la tête au dernier moment. OK, pas d'Ippon...
Mais à votre avis, un coup de katana sur l'épaule, ou, pire, sur la base du cou, il y est l'Ippon ou pas ? Dans l'esprit, un ippon, c'est mettre fin à la carrière de Kenshi d'un adversaire d'un seul coup. Kote, Men, Do, Tsuki, tous sont des coups mortels ou immédiatement incapacitants. Un Men esquivé de la tête, certes, ne détruira pas les circonvolutions motrices de votre cerveau (derrière le front), mais il vous laissera avec une entaille diagonale à la base du cou qui a toutes les chances de vous couper l'aorte, la carotide et l'artère sous clavivulaire d'un seul coup: vous perdez un litre de sang à la seconde... A vous de voir...
Certes, on n'est pas là pour apprendre vraiment à se battre avec des vrais katanas, il serait illusoire de le croire, je vous renvoie à une petite histoire de Miyamoto Musashi houspillant un de ses élèves lui parlant de "Shobu" (Duel) au bokken ou au shinai...
Mais si vous ne pratiquez pas comme si votre vie en dépendait, ce qu'apporte le Kendo dans la vie de tous les jours, sérénité, vigilance, aptitude à gérer une situation stressante, voire dangereuse dans l'instant, etc. etc. l'"Esprit" de votre Kendo, en sera grandement diminué. Vous pratiquerez un Kendo de "Sabre", qui est insuffisant, sans pratiquer le vrai Kendo, celui de "l'Esprit", de l'âme, du coeur (kokoro) disent les japonais. Le seul qui soit finalement utile dans votre vie...
Je pense que c'est cela que les maîtres appellent travailler avec honnêteté, avec son coeur.
Gambatte Ne !
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