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Shugyo
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29 janvier 2008

Briser la garde, ou la mise en situation

La mise en situation... C'est ce que chacun souhaite accomplir dans une pratique, sportive ou autre.
Dans le cadre du Kendo, notre mise en pratique, nous l'attendons de longs mois. De longs mois à, inlassablement, exécuter avec sérieux et concentration les mêmes gestes en apprence simples: suburis, attaques fondamentales (Men, Kote, Do).
Puis vient le temps des enchaînements de plusieurs frappes, avec Kiri Kaeshi (Men/SayuMen/Do), puis Kakari Keiko, où on s'escrime (c'est le cas de le dire ^^) à frapper Motodachi qui nous dit gentiment où attaquer et nous laisse une ouverture héénaaaurme dans sa garde, quand il n'est pas dépourvu d'armure, auquel cas il arrête la frappe au shinai tenu à ses deux extrémités, et n'a donc pas de garde du tout...
Ensuite, et seulement, ensuite, le jeune padawan a droit à quelques techniques un peu avancées, alors qu'il porte déjà Tare et Do, qui protègent le tronc. La plupart du temps il s'agit de Men Nuki Do, de Men Suriage Men ou Kote Suriage Men.
Mais à chaque fois, Motodachi est un camarade aimable qui se laisse gentiment faire, en retour de quoi on endossera pour lui quelques secondes plus tard le rôle de Motodachi, celui qui guide l'exercice, et accessoirement, s'en prend plein la tr...
Ces exercices, fondamentaux, sont loin d'être inutiles. Ils permettent de cultiver presque tout ce qu'un kenshi doit savoir: la technique de coupe, le kiai jutsu (travail du cri et du souffle), le ki ken tai, la distance (le maai), le tai sabaki (déplacement du corps, notamment en esquive), le rythme, et, encore et toujours, la souplesse, la décontraction, la concentration, et... l'endurance et la patience...
Mais ça n'est pas parce qu'on ne combat pas en Ji-Keiko (combat libre) ou en Shiai-Keiko (combat de compétition), qu'on doit pour autant pratiquer ces entraînements sans se poser de questions (pas pendant, mais avant ou après) quant à la suite. Y réfléchir est un bon moyen de se motiver et de ne pas pratiquer comme un robot, ce qui est la pire des choses à faire après ne pas pratiquer régulièrement.

Il manque UNE chose à mon avis à ces exercices fondamentaux, mais c'est quelque chose qu'un exercice codifié ne peut donner: c'est celui de la garde.

Non pas une simple garde physique, comme tous les pratiquants en connaissent, une ou plusieurs (Chudan, Jodan, Gedan, Hasso et Waki, au Kendo). Mais une garde qui est à la fois psychologique et physique, une garde de combat, une garde qui prémunit de la mort...

On a tendance à l'oublier, avec shinai et bogu, mais le kendo, dans sa technique, est issu principalement de l'école traditionnelle Itto Ryu, dontle motto se résume en: tuer l'ennemi d'un seul coup de sabre. C'est donc bien de la vie et de la mort qu'il s'agit.

La garde, ce n'est donc pas seulement une posture et une manière de tenir un sabre. Je définirais la garde d'un kenshi comme la mobilisation totale et entière de toutes ses facultés physiques et mentales pour vaincre son ennemi et survivre.

Bien sur, il y a les gardes physiques, qui nous arrivent de siècles d'expérience et de sagesse. Ces gardes, d'ailleurs, sont étrangement proches des gardes d'escrimeurs médiévaux en Europe. Pour ceux qui sont versés dans les deux cultures, ne trouvez-vous pas qu'il y ait de singulières similitudes entre Jodan et la garde du Faucon? Entre l'invite en queue de pie et Waki No Kamae ? Entre la garde fondamentale de l'escrime européenne à deux mains, et Chudan No Kamae ?

Entre un exercice codifié et un combat, comme en Ji-Geiko, la seule différence, finalement, c'est la garde, dans son entier. Celle de son adversaire, qui veut vaincre, et la sienne propre, qui veut la même chose.

La garde est donc aussi la matérialisation de la volonté de vaincre.

Vaincre, c'est maintenir sa garde et briser celle de son adversaire.

Quittons un instant la philosophie pour revenir à plus de technique et de pragmatisme: concrètement, comment briser la garde d'un adversaire ?
La garde, c'est un concept, comme nous l'avons vu, à la fois physique et mental. C'est donc par ces deux aspects que l'on va pouvoir attaquer.

Briser la garde physiquement ? Et bien c'est possible, principalement par la technique harai, équivalente au battement d'escrime médiévale.

Depuis to maai ("loin"), on fait un petit pas pour arriver en Itto Issoku No Maai, tout en chassant le shinai adverse à l'aide du sien sur le côté. On peut immédiatement enchaîner sur Men ou Kote.

Pour l'instant je ne vois pas beaucoup d'autres moyens.

Briser la garde mentalement ? En fait, il y a beaucoup de possibilités:
- la feinte: faire croire qu'on s'apprête à attaquer un endroit alors qu'on pense à un autre. L'adversaire va modifier sa garde, ce qui va le protéger à l'endroit escompté et le découvrir à l'endroit que vous avez vraiment choisi: essayez de provoquer une défense sur Kote, vous verrez le chemin vers Men s'ouvrir ! Menacez Men, et vous avez accès à Kote, voire Do.

Cette feinte, il faut la provoquer par votre attitude, votre regard, surtout votre seme.

Passer la garde d'un adversaire par le mental, c'est vaincre son zanshin (sa vigilance) par son seme à soi, sa capacité à menacer.

Cela peut-être par feinte, mais aussi autrement. Par exemple, si votre seme est particulièrement fort, avec un bon kiai, vous pouvez perdre votre adversaire dans l'un des quatre dangers qui le menacent sans cesse:
- la peur
- le doute
- la surprise
- la perplexité

Il peut se figer sur place, auquel cas sa garde est trop rigide, un tai sabaki vous permettra de la contourner.
Il peut ne plus savoir où il en est en avoir un "blanc".
Il peut avoir une réaction irrationnelle et vous ouvrir lui même sa garde !

Les possibilités sont infinies !

Mon maître disait également qu'un bon kendoka peut dévier, parer ou esquiver une, deux voire trois attaques, ce qui est très rare et très difficile. Alors qu'un bon kendoka peut enchaîner une dizaine d'attaques sans trop de problèmes.

=> Etre sur la défensive, c'est perdre.
=> Il faut obligatoirement briser la garde de votre adversaire, même si vous avez choisi de le laisser venir, d'attendre.
Dans ce cas, il faut lui laisser une petite ouverture dans votre garde, susciter son attaque, la prévoir, la calculer, la lire, et vaincre en attaquant en debana, en prévision de son attaque, c'est à dire attaquer non son attaque mais son intention.
=> La manière la plus raffinée de briser la garde de son adversaire, c'est encore de le laisser la casser lui-même ! Mais pour cela, il faut un esprit offensif fort. Pensez à attaquer en attaquant, pensez à attaquer en défendant !

On retombe sur le motto de Miyamoto Musashi: "vous ne devez penser à rien d'autre qu'à couper l'ennemi".

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